
Elle entra de le bâtiment familier qui abritait les locaux de la chaîne de télé nationnale pour laquelle elle travaillait, et salua d'un bref coup de tête les personnes qui étaient dans le hall, en se dirigeant directement dans à vers sa loge. Elle était vide comme d'habitude, et elle s'assit sur un meuble en finissant son café, accompagné d'une cigarette. Comme toujours. Le matin, cigarette. Un café, cigarette. Une conversation, cigarette. Un accès de colère, cigarette. Une attente qui n'en finit pas, cigarette. Ennui, cigarette. Une fête, cigarette. Après l'amour, cigarette. La nuit, cigarette. Ce tube de tabac qui intoxiquait ses poumons se calquait au rythme monotone et répétitf de ses journées. Mêmes jours, mêmes galères. Elle l'écrasa dans le cendrier, et sortit de sa loge, en direction des plateaux. Il était près de huit heures, et sa première émission de la journée allait bientôt commencer. C'était d'une routine banale, horriblement banale. Les actualités de la journée, les évènements de la semaine, deux ou trois interviews, puis une coupure de deux heures avant de reprendre pour la météo. Elle sortit des studios avec un soupir de soulagement, et rentra chez elle enfiler une tenue plus confortable avant de s'affaler sur son canapé avec une glace. Une photo attira son attention sur la porte du réfrigérateur. Elle la referma doucement, et retira le magnet qui la maintenait en place, avant de la prendre pour la regarder de plus près. Deux personnes s'y trouvaient, côte à côte, regardant l'objectif à travers leur lunettes de soleil. Le soleil tapait sur leur peau, accentuant leur bronzage, et le sable, et le ciel bleu derrière elles, donnaient une impression de vacances. Nahwel se mordit la lèvre. Cette photo datait d'il y a deux ans, lors d'un séjour en Algérie, c'était son père qui les avaient prises, ses deux filles, ses gazelles, comme l'indiquait la légende ''mes gazelles Nahwel et Mahyra''. À cette époque, Mahyra, sa petite soeur venait d'avoir ses dix-sept ans, alors qu'elle en avait vingt et un. Elles ne savaient pas à cette époque, que un an plus tard elle arêtteraient de se voir, et même de se parler. Nahwel relâcha la pression qu'elle exerçait sur sa lèvre inférieure qui retrouva sa couleur rose pâle habituelle, et remis la photo à sa place avant de sortir de la pièce, avec un dernier regard en arrière, hésitant, nerveux. Elle s'assit en tailleur sur son canapé en skaï noir, et ouvrit le pot de glace, en y plongeant un doigt, puis l'incurver pour prendre une noisette de glace et la laisser fondre doucement de sa bouche en fermant les yeux, savourant l'ârome de la vanille. Elle s'enfonça dans le siège, et finit par s'allonger de tout son long, un livre dans la main, et le pot de glace posée sur son ventre.
Après quelques chapitres, elle referma son livre, et attrapa son portable, qu'elle gardait toujours avec elle, et parcourut son répertoire, à la recherche d'un contact bien précis, et pressa le bouton vert lorsqu'elle l'eût trouvé. Elle porta le combiné à son oreille, et attendit patiemment, mais anxieusement en comptant distraitement les tonalités.
- Bonjour vous êtes sur la messagerie du...
Elle raccrocha d'un air sombre, et fit tourner son téléphone entre ses mains en regardant dans le vide, perdue dans ses pensées. À quoi pensait-elle exactement en appellant sa soeur pour la première fois depuis deux ans ? Certainement pas à une ovation digne du retour d'un enfant prodige. Elle n'eût pas le temps de réfléchir plus. L'appareil qu'elle faisait tourner entre ses doigts se mit à sonner. Elle le considéra un instant, et décrocha.
- Allô ?
- Nahwel ?
- Oui.
- Désolée de ne pas avoir décrocher tout-à-l'heure, j'étais sous la douche.
- C'est pas grave.
- Sinon, euh... tu vas bien ?
- Oui, ça peut aller, et toi ?
- Pareil.
Il y eut un nouvel instant de silence, qu'elle brisa après une profonde inspiration.
- On pourrais se voir un jour ? Enfin si tu veux.
- Oui, oui bien sûr. Tu me diras quand tu sera disponible, où je t'apellerais.
- Ça me va.
- Bien. Je dois te laisser maintenant, j'ai... je suis occupée.
- Au revoir Myra.
- À bientôt Noelle.
La communication se coupa avec un léger bip alors qu'elle avait toujours le téléphone à l'oreille, et elle le posa sur la table basse. Elle reprit son pot de glace entamé aux trois quarts, voire plus, et qui avait légèrement fondu, et sourit en mettant une énième noisette de glace de sa bouche. Elle jeta l'emballage à la poubelle, et monta dans sa chambre rédiger une critique littéraire. Elle se recula sur sa chaise, et boucha son stylo avec un soupir de soulagement. Elle relut une dernière fois son travail, et se leva de sa chaise en s'étirant, faisant craquer ses articulations endolories. Elle alla à la douche, et se prépara pour la soirée qu'elle allait passer avec des amis et des collègues. Elle s'habilla et ajusta sa tenue avant de mettre ses talons, se maquiller, et de détacher ses cheveux en y passant sa main pour éliminer la forme de la coiffure qu'elle avait plus tôt dans la journée. Elle se regarda une dernière fois dans le miroir, et attrapa son sac à main et ses clés, et s'installa au volant de sa voiture en direction du night club où elle devait les rencontrer. C'était habituel ces soirées. Quand ce n'était pas pour le boulot, c'était pour... pour le boulot en y réfléchissant bien. Certains y allaient pour décompresser, mais pas elle. Après tout, décompresser de quoi ? Rien dans sa vie ne pouvait suciter en elle un once de stress. Rien, ni même un direct, une interview avec une célébrité, un article à rendre en urgence. Elle y allait comme ça, sans raison valable. Elle n'aimait pas ces endroit bondés, où se mélangeait l'odeur de la sueur et de l'alcool, repaire des fêtards, des dragueurs du dimanche, des enfants de bonne famille venus prendre une dose de sensations fortes, les dépressifs en mal d'amour qui noyaient leur chagrin dans l'alcool, chaque verre plus fort que le précédent. Mais bon, elle y allait quand même. Elle gara sa voiture dans le parking de la boîte de nuit, avant d'y entrer, cherchant ses amis du regard. Elle les aperçu au fond de l'immense salle, assis à une table, lui faisant signe de venir, à grand renforts de grands gestes inutiles. Elle traversa tant bien que mal la foule compacte en jouant des coudes, et s'assit sur la banquette recouverte d'une protection en plastique rouge vif.
- Nahwel ! S'écria une femme aux cheveux noirs, et à la peau bronzée aux UV, assise à côté de deux hommes qui se montraient leurs téléphones respectifs, riants comme des gamins. Tu es venue !
- Oui, puisque j'y étais obligée. Dit-elle à voix basse et entre ses dents, avant de mimer un sourire.
La femme se détourna d'elle, et commença une conversation avec sa voisine, forgé sur le même modèle qu'elle, avec une paire de seins énormes, et en latex. Nahwel soupira, toutes pareilles dans le milieu, fausses poupées, harpies parfaites. Elle commanda un verre de Wisky, et le but lentement, en regardant alternativement la foule de danseur éméchés et déchaînés qui bougeant dans un même mouvement au rythme des basses qui s'échappaient des enceintes placées un peu partout dans la salle, et son groupe d'amis qui devenait de moins en moins sobre. Sandra, la femme aux cheveux noirs, et à la peau bronzée artificiellement se leva d'un air joyeux, causé par les nombreux verres d'alcool qu'elle avait consommé.
- Et si on allait danser ? Proposa-t-elle en souriant de toutes ses dents, comme étant fière de son idée.
Le reste du groupe approuva, et se leva, et Nahwel les imita de mauvaise grâce, finissant d'une traite son verre de Wisky. Elle commença à danser en mouvant ses hanches au rythme de la musique, souriant de temps en temps à ses amis qui exécutaient des chorégraphies de plus en plus étranges. Au moment où l'un deux commença à se déshabiller, ils jugèrent d'un commun accord qu'il était temps de partir. Ils sortirent de la boîte en titubant, soutenant ceux qui n'était plus capable de marcher seuls. Elle rentra dans sa voiture, s'enfermant dans une bulle de silence. Elle regarda ses amis s'éloigner, et s'alluma une cigarette, la dernière de la journée, et coinça le tube de tabac entre ses lèvres en expirant la fumée doucement, et mit le contact, avant de s'élancer en dehors du parking. Elle conduisit prudemment dans les rues certes désertes à cette heure, mais elle avait toujours la crainte de se retrouver en face d'un conducteur ivre. Elle tourna la clé dans la serrure, et poussa la porte derrière elle, qui se referma avec un petit claquement sec. Elle expira doucement par le nez, et monta à sa chambre et regarda l'heure affichée en vert sur l'écran digital de son radio réveil en se déshabillant, puis se rendit à sa salle de bains pour se démaquiller, regardant son eyeliner laisser des traînées noires sur son visage, avant d'être effacées par le produit. Elle se glissa ensuite sous ses couvertures, se blotissant dans son lit pour se réchauffer quelque peu, et s'endormir doucement.